Quoique connu de tous, Claude Sautet est de ces réalisateurs qui filent entre les doigts. Chacun est capable de citer les titres de ses principaux films, ainsi que leurs interprètes, aussi célèbres que remarquables. Il a connu le succès à partir d'histoires où tous pouvaient sinon se reconnaître, au moins s'identifier tant les problèmes qu'affrontent ses personnages relèvent du sort commun. Comme aux cinéastes qui s'adressent d'abord à la cour, le public lui a été fidèle. De surcroît, c'est sans doute, en compagnie de Claude Chabrol, le meilleur sociologue de la petite ou moyenne bourgeoisie française, sinon que Chabrol a toujours regardé son petit monde avec le recul du sarcasme et l'ironie narquoise de celui à qui on ne la fait pas là où Sautet joue franc du collier et tir au but, dans une complicité sous-jacente qui attire la sympathie.

Pourtant, à y mieux regarder, Claude Sautet est quelque part une énigme. L'homme est mal connu, retranché derrière son oeuvre. On sait que Truffaut aimait les femmes, que Chabrol en pince pour la bonne bouffe ou Godard pour le questionnement provocateur, mais Sautet ? N'importe quel spectateur attentif peut remarquer le goût de Rohmer pour le beau langage, celui de Lelouch pour la virtuosité de la caméra ou de Godard pour le montage, mais Sautet ? Si le charme opère, c'est bien dans cette " magie invisible " qui complète le titre du film de N. T. Binh.

Critique à Positif, auteur de beaux livres consacrés à Mankiewicz, Lubitsch ou Bergman, grand cinéphile, réalisateur de documentaires tous liés à l'histoire du cinéma, N. T. Binh s'est penché avec ce film sur le mystère Sautet. Quand il l'approche en 2000, l'homme est déjà gravement malade et refuse d'être filmé. En résultent des heures et des heures de bande-son mais pas d'images. Le film s'appuie sur cette voix presque d'outre-tombe, que viennent enrichir d'autres sous forme d'entretiens filmés avec des complices en cinéphilie comme Bertrand Tavernier, des collaborateurs tels Philippe Sarde (compositeur), Jean-Louis Livi (producteur), Pierre Guffroy (décorateur) ou Jacqueline Thiédot (monteuse), sans oublier Graziella Sautet, qui fût son épouse, une maîtresse femme récemment disparue qui visiblement se mêlait d'un peu tout. Nombre de documents et d'extraits des films parachèvent le tableau.

Ainsi qu'il est de règle dans ce type d'approche, chacun sera surpris parce qu'il ne connaît pas, dimension éminemment variable. On ne pourra cependant qu'être frappé par l'étude des années d'apprentissage, l'influence de Becker et de Melville, son travail de dialoguiste, le passage par l'assistanat qui suffit à le distinguer de cette nouvelle vague à laquelle il n'appartient pas, même si Classe tous risques et À bout de souffle sont contemporains et tous deux des polars en noir et blanc avec Belmondo. On admirera la connaissance que Sautet avait de son travail, se souvenant de chaque plan de ses films, capable de déprécier l'Arme à gauche comme de se reconnaître du talent ailleurs. En conclusion, il affirme : " Je ne sais pas qui je suis. " Mais, peut-être nous, le savons-nous un peu davantage.

 

Source : Jean Roy pour l'Humanité. - Fait le 2 août 2009 par Philippe de CinéMémorial.

 

 

SES RÉCOMPENSES :

 

1995 - Pour : NELLY ET MONSIEUR ARNAUD - César du meilleur réalisateur, Cannes, France.

1995 - Pour : NELLY ET MONSIEUR ARNAUD - Prix Louis Delluc, France.

1993 - Pour : UN COEUR EN HIVER - Lion d'Aregent - Festival de Venise, Italie.

1993 - Pour : UN COEUR EN HIVER - César du meilleur réalisateur, Cannes, France.

1969 - Pour : LES CHOSES DE LA VIE - Prix Louis Delluc, France.